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Quand elle regagna sa chambre à la lueur de la lune, Azilis, comme Kian, venait de vivre sa première bataille. Elle titubait de fatigue. Malgré cela, les rumeurs et les lumières qui montaient au fort depuis la plaine la poussèrent à s’accouder au rempart.
Alexion avait examiné la jambe de Kynwal sans desserrer les dents, puis avait fait transporter le blessé sur une table. « Je ne connais rien à la chirurgie, avait déclaré Azilis en regardant le médecin dans les yeux, mais je suis prête à apprendre. » Il avait marqué son accord d’un signe de tête et le sinistre travail avait commencé. Mais l’amputation avait été inutile. Le cœur du guerrier avait cédé avant.
Azilis aspira l’air frais à pleins poumons. Elle sentait le besoin de chasser les miasmes de la salle d’armes. La petite Enid était allée se coucher. Elle l’avait aidée avec efficacité et douceur. Elle comprenait vite, était habile et courageuse. Ce serait une bonne chose, se disait Azilis, si Enid acceptait d’entrer à son service.
Au loin les brasiers funéraires brûlaient encore, mais c’étaient surtout des feux de joie qui éclairaient la nuit. Les guerriers célébraient leur victoire et oubliaient la tuerie dans l’hydromel et les bras des femmes. Des hurlements d’allégresse, des chants d’ivrognes et des rires aigus de filles avaient remplacé dans la plaine le tumulte des combats. Après les cris des blessés, ce joyeux tapage était une musique aux oreilles d’Azilis. Elle resta un moment à écouter cette fête désordonnée. La fatigue l’engourdissait, elle se serait volontiers endormie sur place. Au moment où elle se décidait à quitter les remparts, elle aperçut une longue procession de torches qui descendait du nord. Puis s’élevèrent les ovations qui l’accompagnaient.
— Arturus ! Arturus !
Le dux bellorum et ses compagnons revenaient après la traque des fuyards. Les suivaient des centaines d’hommes et de femmes qui acclamaient celui qui les avait délivrés de la menace barbare. La nouvelle du triomphe d’Arturus avait dû voyager de village en village à la vitesse d’un cheval au galop.
Le dux et ses compagnons traversèrent les campements des guerriers qui hurlèrent son nom en martelant leurs boucliers avec leurs épées ou leurs lances. La nuit s’illuminait, c’étaient les torches innombrables qui semblaient embraser la voûte céleste et donner leur scintillement aux étoiles.
Au milieu de la foule en liesse, Azilis vit des guerriers hisser Arturus au-dessus d’eux. Le dux brandissait Kaledvour, acclamé à n’en plus finir par les hommes et les femmes qui le célébraient et qui le proclamaient Haut Roi de Bretagne. Cette nuit brillerait sûrement à jamais dans leur mémoire. Elle marquait l’avènement d’un nouveau roi.
Ce qu’Arturus leur dit, une fois le tumulte calmé, elle ne l’entendit pas, il était trop éloigné. Mais il lui fut facile de deviner qu’il prêtait serment de fidélité à sa terre et à son peuple et qu’il jurait de les défendre contre les ténèbres qui menaçaient.